
Relecture typologique de l’oblation du Christ chez Irénée de Lyon
De l’année académique 2021-2022 au court de laquelle, le père Jacques Kuziala a initié ses recherches doctorales entre Lyon, Rome, Abidjan et Dakar, il aurait fallu arriver à l’année académique 2023-2024 pour vivre le couronement de ce parcours émaillées des joies et des peines en la date du 30 avril 2024. C’est le jour de la soutenance de sa thèse de doctorat en sciences liturgiques.
Dans une atmosphère on ne peut plus sereine que la commission fera leur entrée. Ladite commision était composée du Modérateur Prof Dr. Olivier-Marie Sarr, Prof. Dr Matteo Monfrinotti et Prof. Dr. Monteiro Da Silva d’un côté et de l’autre le doyen de la faculté de liturgie le Prof. Dr. Jordi-Agusti Piqué, le Recteur Prof. Dr Bernhard A. Eckerstorfer. C’est par la prière d’ouverture en latin que le Recteur confiera ce moment sous la mouvance de l’Esprit-Saint. Aussitôt, la parole a été accordée au récipiendaire du jour pour présenter la quintessence de son travail monographique.

Après un court moment de délibération, la commission a annoncé officiellement le titre de Docteur en Sciences liturgiques au père Jacques Kuziala avec la mention maximale de « Summa cum laude » e la salle aussitôt a poussé de cris de joies à l’endroit de lauréat du jour. Celui-ci a remercié le Bon Dieu qui a été son refuge et tous ceux et celles qui ont apporté leur pierre pour la réalisation de cette aventure. Suivra le moment de prises de photos et de félicitations qui s’en est suivi. Après un partage d’un verre d’amitié, chacun a regagné sa maison dans l’allégresse et le chant au Maître de la vie.
Le contexte
Il convient de le signaler que notre recherche constitue pour nous un aboutissement d’un désir ardent dans la compréhension de l’histoire du salut dans l’aujourd’hui du monde. Il nous semble à première de constater une sorte de vision dualiste de grande ampleur qui caractérise en ce temps le monde et tous ses habitants. On a tendance à séparer le Nord du Sud, le présent du futur, l’Ancien du Nouveau, Dieu de l’homme, le corps de l’âme.
Toute cette approche ‘divisionniste- séparatiste’, nous l’enregistrons dès l’origine de l’Eglise par l’entremise de la gnose qui n’avait que pour désir de séparer le Nouveau Testament à l’Ancien, le spirituel au matériel.

Dans cette perspective, Irénée de Lyon constitue dès le début la réponse adéquate pour affronter cette ‘pandémie’ du siècle à travers la catégorie de l’oblatio christi. En effet, « novi sacramenti, novam oblationem ; quam Ecclesia ab Apostolis accipiens in universo mundo offert Deo, ei qui alimenta nobis praestat primitias suorum munerum in novo Testamenti » constitue l’essentiel de sa pensée dans la mesure où il nous fait découvrir que Dieu est Dieu qui donne, Il n’est pas fermé sur lui-même. Il se donne à nous par son Fils et les humains se donnent les uns aux autres par le don reçu de Lui.
À en croire Irénée de Lyon, c’est dans l’incarnation que le Verbe s’est fait chair et il demeure à jamais dans nos vies. L’Église répandue par toute la terre confesse un seul Christ Jésus, le Fils de Dieu incarné pour notre salut. Cette foi, que l’évêque de Lyon proclame au début de l’Adversus haereses, reflète à ses yeux le témoignage des apôtres et les déclarations même du Seigneur. Cela revient à dire que puisqu’il s’est fait présent en nous, nous pourrions en revanche Le reconnaître en célébrant sa présence et cela nous fait entrer dans sa gloire puisque : « Gloria enim Dei vivens homo, vita autem hominis visio » (Irenaeus, Adversus Haereses, IV, 20,7).

La nouveauté du travail
Notre recherche présente quatre nouveautés tant au niveau théologique que liturgique.
1. L’herméneutique de la catégorie de l’oblatio
Il s’agit pour nous d’affronter ce terme dans toutes ses dimensions pas seulement dans sa conception christico-eucharistique telqu’il est présenté jusqu’à ce jour.
2. La lecture typologique de l’oblatio
Il s’agit de découvrir l’oblatio christi depuis les origines du monde car sa présence mémorielle dans la création nous pousse à affirmer que tout don vient du Père, par le Fils et que par l’Esprit l’humanité est appelée à marcher en sa rencontre.
Ceci dit, l’humain devient l’être qui vit de cette action mémorielle puisque comme le souligne Irénée, le Verbe donne la « forme » tandis que l’Esprit quem in novissimis temporibus effudit per adoptionem filiorum in genus humanum (Cf. Irenaeus, Adversus Haereses, V, 12,2).
3. Lecture typologique de l’oblatio christi dans le « contexte africain »
Nous étions occupés dans le « contexte africain » de poser un regard introspectif dans la compréhension de l’action oblative du Christ. Ainsi, nous estimons avec Lukombo, la présence déjà-là du Règne de Dieu qui doit être découverte non comme une réalité toute faite, mais à construire chaque jour. C’est une approche mémorielle de la présence de Dieu qui continue à conduire par son Esprit le genre humain. Dans cette optique, il convient d’affirmer que « Le Royaume de Dieu dans sa double nature de « déjà-là » et de « pas-encore » est une réalité présente aussi en Afrique. Il se manifeste entre autres par l’inhabitation de Dieu et la lutte des pauvres et des opprimés pour leur libération intégrale » (J. Lukombo Makwenge, La promesse du salut pour les Africains d’aujourd’hui. Inculturation de l’eschatologie, L’Harmattan, Paris 2020, 241).
4. Oblatio christi et l’invocation des Ancêtres dans le Missel Romain pour les diocèses du Zaïre
Il s’avère impérieux de situer le culte des Ancêtres dans la perspective de cette oblation du Christ. Dans l’esprit de trouver la clé de lecture de l’action salvatrice dans le continent africain, la lecture typologique d’Irénée de Lyon nous servira pour amorcer la question de l’invocation des Ancêtres dans le MRDZ.
Il convient de rappeler que dans sa réflexion, Bujo à travers la méthode comparative, met en avant plan les ancêtres africains aux saints de l’Ancien et du Nouveau Testament (B. Bujo, « Les Ancêtres, ces saints inconnus », Bulletin de théologie africaine 1-2 (1979) 165-178). Il souligne dans sa réflexion le point d’ancrage de cette liaison qui n’est rien d’autre que l’action du Christ. Par sa Mort et sa Résurrection, Il renoue les deux alliances et restaure l’humanité toute entière. Il devient ainsi l’Ancêtre originale, le « Proto-Ancêtre ».
* Père Jacques Kuziala, IMC, est Docteur en Sciences liturgiques.

