
Anthologie de l’expérience missionnaire Consolata en Afrique, un voyage à travers les onze pays où l’Institut est présent sur le continent : la délégation d’Afrique du Sud – eSwatini, la région Mozambique-Angola, la région Tanzanie-Madagascar, la région Kenya-Ouganda, la région Éthiopie, la délégation de la Côte d’Ivoire et la région République Démocratique du Congo.
Dans ces territoires, les missionnaires de la Consolata sont engagés dans une grande variété de ministères : travail paroissial, première évangélisation, éducation, santé, promotion sociale et formation des futurs missionnaires.

Dans cette édition, nous nous concentrons sur Madagascar, un territoire de mission qui en est encore à la phase de première évangélisation et qui a un besoin urgent de missionnaires. Considérée comme la plus jeune mission d’Afrique, Madagascar est rattachée à la Tanzanie dans le cadre de la même circonscription. Au cours d’une conversation riche et stimulante, nous discutons avec le père Jean Tuluba IMC, conseiller de la région Tanzanie-Madagascar, des défis et des joies de cette nouvelle mission dans cette terre unique et vibrante.
Pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre mission à Madagascar ?
Je suis missionnaire de la Consolata, originaire de la République Démocratique du Congo, actuellement en service à Madagascar. Pour nous, missionnaires de la Consolata, Madagascar est un nouveau territoire de mission. Il a été officiellement ouvert en 2018 par notre Gouvernement Général et, en 2019, j’ai fait partie du premier groupe de missionnaires envoyés dans le pays.
Madagascar est ce que nous appelons une « mission ad gentes », c’est-à-dire une mission dédiée à la première évangélisation. Nous opérons dans le diocèse d’Ambanja, au nord-ouest du pays, où un territoire de mission nous a été confié. Il ne s’agit pas d’une paroisse au sens traditionnel du terme, mais d’une zone beaucoup plus vaste, où il n’y avait pas de prêtre résident et où le besoin d’une présence pastorale est très fort.

Pour vous donner une idée, dans tout le diocèse, environ 8 % de la population est chrétienne ; cependant, dans notre territoire spécifique, seuls 3 % sont catholiques. Notre première et plus urgente priorité est donc de construire une communauté chrétienne là où elle n’existait pas auparavant. C’est ce que nous, Missionnaires de la Consolata, appelons la mission ad gentes.
Comment s’est passée votre expérience dans la construction de la communauté chrétienne ?
Notre travail principal a consisté à former des communautés chrétiennes solides. Tout commence par la célébration de l’Eucharistie, la catéchèse, la préparation aux sacrements et la formation continue.
Au cours des six années de notre présence, nous avons constaté une croissance constante. Les baptêmes sont célébrés au moins trois fois par an et, ce qui est encourageant, la plupart des baptisés sont des enfants et des jeunes. Cela nous donne beaucoup d’espoir pour l’avenir, car les jeunes deviendront à leur tour des missionnaires auprès de leurs pairs et dans leurs familles.

Les adultes qui s’approchent de la foi sont moins nombreux, mais la présence des jeunes est très prometteuse. Cela reflète également la réalité démographique de Madagascar, où la majorité de la population est composée de jeunes.
Quelle est l’importance de la langue et de la culture dans votre mission ?
Dès son arrivée à Madagascar, on comprend immédiatement que la langue est essentielle. La langue officielle est le malgache, et tout – la vie quotidienne, la liturgie, le travail communautaire – se déroule dans cette langue. Le français, bien qu’officiellement reconnu comme deuxième langue, est rarement utilisé en dehors des contextes formels ou administratifs.

Pour les missionnaires, l’apprentissage du malgache n’est pas facultatif. C’est la seule langue qui unit tout le pays. L’avantage est qu’une fois qu’on l’a apprise, on peut communiquer partout à Madagascar.
Mais la langue s’accompagne d’un défi culturel. En tant que missionnaires, nous ne pouvons pas imposer notre culture. Nous devons plutôt apprendre avec humilité les traditions locales, nous adapter et travailler avec les gens là où ils se trouvent.
Quels sont aujourd’hui les besoins les plus urgents de la mission à Madagascar ?
Les besoins sont à la fois humains et économiques. Tout d’abord, nous avons besoin de plus de missionnaires – hommes et femmes – prêts à servir à Madagascar. Les besoins pastoraux et évangélisateurs sont immenses, et avec si peu de missionnaires, il est difficile d’y répondre de manière adéquate.
Deuxièmement, un soutien économique est nécessaire. Actuellement, l’Église locale n’est pas en mesure de subvenir à ses propres besoins. Les offrandes sont trop modestes pour couvrir ne serait-ce que les dépenses liturgiques de base, telles que le vin et les hosties pour la messe. L’évangélisation en est encore à ses débuts et la contribution locale est minime. Pour l’instant, la mission dépend de l’aide extérieure. Cependant, nous sommes convaincus qu’à l’avenir, à mesure que la communauté grandira dans la foi et dans son organisation, elle pourra assumer davantage de responsabilités dans le soutien à la mission.

Comment votre participation à cette rencontre continentale a-t-elle renforcé votre esprit missionnaire ?
Cette rencontre a été très précieuse. Elle m’a donné l’occasion de partager nos expériences à Madagascar avec d’autres missionnaires et responsables ecclésiaux. Elle a également été un espace d’apprentissage, notamment en matière de leadership, tant dans nos communautés religieuses que dans les communautés chrétiennes locales que nous servons.
En tant que responsable de notre première communauté Consolata à Madagascar, j’ai acquis de nouvelles connaissances et compétences qui m’aideront à guider mes confrères et les fidèles avec humilité et esprit de service.

Combien de missionnaires Consolata sont actuellement présents à Madagascar ?
Nous sommes actuellement cinq missionnaires engagés dans notre première mission, appelée Beandrarezona Mission. Le groupe est composé de deux missionnaires du Kenya, deux de la République démocratique du Congo et un de la Tanzanie.
Nous envisageons actuellement l’ouverture d’une deuxième communauté. Les deux options possibles sont la capitale Antananarivo ou Nosy Be, qui se trouve également dans le diocèse d’Ambanja. Nous attendons la visite de notre Supérieur pour poursuivre ensemble cette réflexion.
Quels défis doivent attendre les jeunes missionnaires qui souhaitent servir à Madagascar ?
Les principaux défis sont la langue et la culture. Un nouveau missionnaire doit être prêt à s’immerger complètement dans la langue malgache et, tout aussi important, à connaître et à respecter la culture locale. L’adaptation est la clé.
On ne peut pas partir avec l’idée d’imposer sa propre culture ou sa propre façon de faire. Il faut plutôt écouter, apprendre et marcher avec le peuple. C’est la seule façon de servir efficacement.
Et qu’en est-il du contexte politique et économique de Madagascar ? Comment cela affecte-t-il la mission ?
Madagascar est politiquement instable, et cette instabilité se reflète dans tous les aspects de la vie, en particulier dans l’économie. Le pays dispose d’un énorme potentiel naturel, mais la mauvaise gouvernance empêche ce potentiel de profiter à la population.

Comme dans de nombreuses régions d’Afrique, les dirigeants servent souvent leurs propres intérêts plutôt que ceux du peuple. En conséquence, de nombreux Malgaches pensent que tout ce qui est bon doit venir de l’étranger. Ils partent souvent du principe que les missionnaires, en tant qu’étrangers, ont automatiquement de l’argent.
Cette mentalité découle également d’un ancien modèle missionnaire, dans lequel les missionnaires étrangers subvenaient à tous les besoins. Nous essayons de changer cette mentalité. En tant que missionnaires africains, nous ne disposons pas de ressources importantes, et nous encourageons les gens à collaborer avec nous, en les aidant à découvrir qu’ils possèdent déjà les moyens et le potentiel pour améliorer leur vie.
Notre rôle est de les accompagner, de renforcer leur foi et de les responsabiliser afin qu’ils prennent leur avenir en main.
Note de la rédaction
Cette interview a été réalisée à Sagana, au Kenya, le 15 août 2025, lors de la Rencontre Continentale des Missionnaires de la Consolata avec les Supérieurs nouvellement élus et leurs Conseils. La conversation a été menée par Paschal Norbert, directeur de CISA News. Les photographies publiées ont été prises lors de la visite à la paroisse Notre Dame de la Consolata – Beandrarezona, qui s’est déroulée du 20 août au 1er septembre, sous la direction du père Erasto Mgalama, Conseiller Général pour le continent africain, et du père Minja Rodrick, Supérieur de la région Tanzanie-Madagascar.


