
À Kinshasa, pauvreté et violences n’arrêtent pas les écoles
La nouvelle année scolaire a commencé aussi en République Démocratique du Congo, le 1er septembre dernier. Cela peut sembler étrange si l’on considère que ce pays d’Afrique centrale est l’un des plus pauvres du monde et mobilise toutes ses ressources, économiques et humaines, dans le conflit qui, à l’est, a vu ces derniers mois une recrudescence de violences, de morts et de déplacés.
Par Federico Piana *
Et pourtant, les élèves ont repris leurs cartables, leurs livres, leurs cahiers, et ont franchi le seuil de leurs écoles. Bien sûr, il faut s’entendre sur les termes : dans chacun de ces taudis qu’on appelle là-bas « salles de classe », on compte parfois jusqu’à 60, voire 90 élèves, lorsqu’il manque de la place, et pour suivre un cours, il faut souvent se contenter de s’asseoir par terre.

Malgré tout, cela reste un signe d’espoir. Comme la décision récente du gouvernement de rendre gratuit tout le parcours scolaire des enfants dans les écoles primaires – preuve que l’enseignement primaire est considéré comme un outil essentiel pour améliorer l’avenir national.
Mais ce choix cache aussi une faiblesse. « C’est un beau cadeau fait à la population, mais il aurait peut-être fallu plus de temps pour construire de nouvelles écoles, former les nouveaux enseignants, équiper les classes d’outils qui, pour l’instant, sont totalement absents. Même si l’idée est bonne, les priorités étaient ailleurs », explique au journal le Père Matthieu Kasinzi, missionnaire de la Consolata et curé de la paroisse Saint-Hilaire, en périphérie extrême de Kinshasa.

Ce n’est pas un détail insignifiant, car cette année, dans toutes les écoles publiques du pays, ce sont 29 millions d’élèves qui sont attendus.
« La majorité de ces élèves seront placés dans des classes surchargées avec un seul enseignant, et n’auront à leur disposition guère plus qu’un tableau noir. »

Tout cela, précise le Père Matthieu, ne se produira malheureusement pas dans la région du Kivu, ravagée par les affrontements entre l’armée et les rebelles du mouvement armé M23.
« Comme on peut l’imaginer, dans ces régions, l’année scolaire n’a même pas commencé. Les gens fuient les violences, abandonnant leurs maisons. Les familles sont divisées, dispersées, et les jeunes sont loin. »
Et quand les rebelles font irruption dans un village, ils recherchent les jeunes à enrôler de force dans leurs groupes armés pour les envoyer au combat.

« La guerre, avertit le Père Matthieu, est en train de « voler leur enfance et leur jeunesse ». Elle empêche des milliers d’enfants de se former, compromettant ainsi leur avenir. Dans les camps de réfugiés, de petits cours d’enseignement sont organisés, mais ils ne sont ni valables ni suffisants. »
L’engagement de l’Église locale en matière d’éducation est le principal moteur du progrès culturel et social. Le missionnaire de la Consolata affirme avec certitude :
« Si l’on effaçait tout ce que l’Église fait, il ne resterait pas grand-chose. L’Église possède un grand nombre d’institutions scolaires. »
Dans chaque paroisse, selon lui, il existe plus d’un établissement en convention avec l’État, qui s’engage à payer les enseignants, même si leur salaire est toujours très bas.
Mais l’Église gère aussi des écoles entièrement privées, ouvertes aux populations pauvres et souffrantes.
« Beaucoup d’entre elles appartiennent à des congrégations religieuses ou sont directement gérées par les curés. Pour nous, elles sont essentielles, car elles permettent d’évangéliser à travers l’éducation : de nombreux politiciens actuellement au gouvernement ont fréquenté des écoles catholiques. Un engagement fort, mené avec amour, dévouement et qualité. »

Tout comme les écoles publiques, les écoles ecclésiastiques auraient besoin de fonds pour être rénovées, agrandies, et équipées d’outils pédagogiques et technologiques modernes.
Le Père Matthieu ne cache pas les difficultés rencontrées par les enseignants – dont les salaires sont en baisse constante – ni celles des familles, qui n’arrivent souvent pas à payer les frais de scolarité.
« À Kinshasa, ma congrégation, l’Institut des Missions de la Consolata, gère plusieurs écoles situées dans des quartiers pauvres, accueillant jusqu’à 1 000 élèves chaque année. Et nous allons bientôt en construire d’autres. Nous le faisons parce que nous croyons que la meilleure façon de promouvoir l’homme est d’éduquer et d’instruire, même des enfants non catholiques, mais musulmans ou protestants. »

Même si le missionnaire reconnaît les efforts de la communauté internationale pour soutenir l’éducation à travers le pays, il reste critique vis-à-vis de certaines méthodes employées par des agences de l’ONU :
« Il arrive qu’au début de l’année scolaire, on nous apporte des sacs avec deux ou trois cahiers et quelques stylos, après avoir collecté des millions de dollars de dons. Et on nous dit : voici notre façon d’aider les élèves. Mais cela ne nous sert à rien. Ce dont nous avons besoin, ce sont de nouvelles structures, du matériel moderne comme des ordinateurs, des bibliothèques. »
En République Démocratique du Congo, la seule chose qui ne manque pas aux élèves, ce sont justement… les stylos et les cahiers.
* Federico Piana est journaliste. Publié initialement dans L’Osservatore Romano, vendredi 12 septembre 2025, page 3.